07/12/2010
"Mangez-le si vous voulez" de Jean Teulé
Le 16 aout 1870, Alain de Monéys, jeune homme intelligent et respecté quitte la maison de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye dans le village voisin, il y arrive vers 14 heures.
Deux heures plus tard, une centaine de personnes déchaînée, des paysans, des notables, des femmes, des enfants, l’auront battu, lynché, torturé, écartelé, brûlé vif et même selon certains témoignages, mangé.
Dans ce livre, Jean Teulé retrace le martyre de ce jeune homme avec une précision et une minutie remarquable. Il n’en reste pas moins que ce récit est terriblement éprouvant, surtout quand on sait qu’il s’agit, non pas d’une fiction, mais d’un véritable « fait divers » survenu il y a 140 ans.
Ce livre, je l’ai lu en une soirée, le cœur battant plus fort au fur et à mesure de mon avancée et du tragique calvaire qu’a subit le jeune Alain. C’est d’autant plus choquant que les principaux meneurs de ce supplice étaient des amis d’enfance du jeune homme avec lesquels deux heures auparavant il discutait en toute amitié.
Comment un tel vent de folie meurtrière a pu embraser toute une foule qui au fil des minutes est devenue si brutalement hystérique et totalement inhumaine ?
Le contexte politique, la sécheresse, la crise que subissaient les paysans, les artisans, les commerçants, la ferveur patriotique anti-prussienne après la défaite de Reichshoffen, l’abrutissement dû à l’ivresse d’une grande partie des tortionnaires, tout cela va malheureusement et tragiquement sceller le destin d’Alain de Monéys.
J’ai mal dormi, mes rêves furent très agités car ce livre ne m’a pas laissé indemne. On a beau se dire que ce drame a eu lieu il y a longtemps, il ne faut pas oublier que la bête est toujours tapie dans le cœur des hommes et qu’elle guette, la moindre faille pour réveiller les haines, la violence et la xénophobie.
Hélas, l’histoire est témoin du comportement horrible des foules et des conséquences dramatiques que cela peut entraîner. Je ne vais pas citer tous les exemples mais les ratonnades, les purges d’après-guerre, les meurtres raciaux, les tragédies dans les stades, les massacres ethniques témoignent de ce que la foule peut avoir de dangereux et maléfique.
Prenons garde à la bête, ne nous voilons pas la face, elle est bien enfouie en nous, et les plus doux des hommes peuvent dans certaines circonstances se transformer en terrible tortionnaire. Alors chacun se doit d’y réfléchir pour empêcher que ce genre de tragédie ne se reproduise pas et pour étouffer cette haine et cette violence qui nous habite hélas tous.
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